Battlefield 1 : Interview Julien Wera Product Strategy Director DICE
C’est lors d’une journée preview de Battlefield 1 que j’ai pu rencontrer Julien Wera, Français (Cocorico !) et Product Strategy Director chez le Studio Dice. Je vous livre ici mon interview complète d’un mec avant tout très sympa avant d’être un membre du studio qui développe l’une des plus grosses licences de l’histoire du jeu vidéo. Un grand merci à lui pour sa disponibilité et le temps prit à répondre à mes quelques questions.
Tomiiks.com : Alors première question, qui est en fait deux questions en une, c’est pourquoi Battlefield 1 et pourquoi ce retour aux sources ?
Julien Wera : Alors… Quand on a commencé à se poser la question, on sortait de Battlefield 4. La question qu’on s’est posée, c’est : on a la franchise Battlefield… Où est-ce que l’on veut amener cette franchise ou comment est-ce qu’on fait évoluer la franchise Battlefield de là où elle est. Et… la décision qu’on a prise, c’est de retourner aux sources, aux sources du gameplay voilà… de se focaliser sur les piliers de Battlefield que sont la guerre à grande échelle, les environnements dynamiques avec beaucoup de destructions, le teamplay, les véhicules, etc. Comment est-ce-qu’on pouvait reprendre tout ça et vraiment se focaliser sur ces piliers qui font de Battlefield… ce qu’il est depuis 15 ans et l’élever à un niveau supérieur.
« se focaliser sur les piliers de Battlefield »
Et c’est…, ça c’était notre objectif et on a dit : c’est le moment, le moment où on peut prendre cette idée qu’un certain groupe dans Dice avait essayé de pitcher depuis 10 ans. De faire un Battlefield qui se déroule durant la Première Guerre mondiale. On s’est dit que la Première Guerre mondiale, les batailles à très grandes échelles, la destruction, le teamplay, les véhicules, l’invention des premiers véhicules de guerre et tout ça… tous les éléments étaient là pour, pour en venir là, pour faire cette évolution de la franchise tout en restant fidèle aux piliers. Et du coup on a décidé de… de partir dans cette direction. Pour nous, c’était la bonne opportunité de se démarquer aussi de ce que font beaucoup d’autres gens qui vont plus vers le futur.
Donc on a pris cette décision et Battlefield One ou Battlefield 1, ça me fait toujours bizarre, c’est cette idée de retour aux sources. En interne, on a souvent dit que ce jeu-là (NDLR BF 1942), c’était le « Mother of all the Battelfields », c’est-à-dire que même si ce n’est pas le premier quelque part c’est un peu celui-là dont tout découle. Tout le gameplay, voilà le fait de… c’est un retour aux sources historiquement, même si nos sources c’est la Seconde Guerre Mondiale et pas la première, mais c’est c’est un retour historique et un retour aux bases du gameplay de vraiment se focaliser sur ce qui fait que Battlefied est aussi apprécié par la communauté.
Tomiiks.com : Ok, super, ça me va très bien surtout que je n’aimais pas trop l’orientation futuriste des CoD notamment. C’est peut-être lié à ma génération aussi. Perso, j’ai bcp joué aux premiers Battefield, Medal of Honor et du coup je suis très marqué par périodes historiques. Et du coup, je pense que de revoir ça avec les techniques d’aujourd’hui… c’est génial.
Julien Wera : Exactement, c’était quelque chose d’important pour nous de vouloir… On ne fait pas un remake HD de BF 1942. C’est vraiment une évolution du jeu en terme de gameplay, voilà. On utilise la technologie, toutes les technologies à notre disposition pour en faire un jeu moderne, même au niveau du design mais avec le backdrop (NDLR : toile de fond) quelque part qui est dans une époque historique.
« C’est Gameplay First, History Second »
Tomiiks.com : Question Gameplay : on retourne vers la Première Guerre Mondiale, les premiers véhicules, avions, jeep, les premières armes… Comment on rend ça sexy manette en main ? Car si on se met dans le soldat de l’époque, on tire une fois toutes « les 150 ans », les armes s’enrayent tout le temps…
Julien Wera : Eh bien, en ne se mettant pas dans la peau du soldat de l’époque [rires]. Alors on a deux principes de design qui sont importants chez DICE. Le premier c’est AUTHENTIQUE mais pas REALISTE. C’est-à-dire que, tout ce qu’on fait dans ce jeu a une base réelle. C’est-à-dire que toutes les armes sont réelles, tous les véhicules ont des bases réelles, etc. Tout a une base historique mais pas réaliste, c’est-à-dire que l’on utilise la base historique qui nous donne un terreau tellement fertile mais notre deuxième principe, c’est Gameplay First, History Second. Donc, on n’est pas là pour faire un documentaire, on n’est pas là pour faire une simulation, on a jamais… Battlefield n’a jamais été une simulation de guerre, ça à toujours été un jeu fun et le fait d’être focalisé sur le gameplay, on prend des choses authentiques, On prend le meilleur gameplay Battlefield qu’on puisse avoir et on mixe les deux.
Tomiiks.com : Ok ça me va… [rires] Comme si c’était à moi de juger
Julien Wera : Non mais ça fait plaisir, joueur par joueur, on y arrivera
Tomiiks.com : Une autre petite question, et c’est quelque chose qui me manque parfois dans les autres jeux type FPS mais tous types de jeu aussi, est-ce qu’il y a de la météo dynamique ? Est-elle présente ? Est-elle totalement aléatoire ? Scriptée au lancement de la partie ?
Julien Wera : Alors, elle est dynamique. Elle est complètement aléatoire mais avec certaine… certains tweaks. Alors la raison du pourquoi la météo dynamique, c’est qu’on a écouté le feedback de la communauté sur Battlefield 4 avec tout ce qui était l’évolution, très impressionnant etc. changer la map, impact sur le gameplay mais c’était des évènements scriptées, la plupart du temps, ils étaient déclenchés par les joueurs mais du coup les joueurs ont dit : « Il se passe toujours la même chose ». Donc on a dit bon, l’un des piliers de Battlefield 1, c’est tout doit être dynamique et la re-jouabilité avant tout. Donc la météo n’est pas scripté, les seuls tweaks que je mentionnerai, c’est que pour des raisons d’équilibre, en rush (ruée Attaquants / Défenseurs) par exemple, si pendant un round, il y a une tempête de sable et pas dans le suivant, alors l’une des équipes serait avantagée donc on équilibre. Donc sur certains modes de jeu seulement on équilibre. Mais sinon, en conquête par exemple, c’est random et le principe c’est que tous les effets météo ne sont pas sur toutes les cartes, il n’y a pas de tempête de sable en France par exemple.
« On a écouté le feedback de la communauté »
Mais le principe c’est qu’ils sont impressionnants et ils ont un impact sur le gameplay. Quand le brouillard va venir, un brouillard très épais, ça va vraiment changer le champ de vision et faire que les snipers ne vont vraiment plus être efficaces, ils vont devoir changer, aller au corps-à-corps, changer d’arme pour des fusils à pompe, etc. Ca va changer la manière dont on entend, ce qui se passe autour. On l’a vu très tôt dans les tests au studio où dans de grandes cartes, quand la visibilité devient moindre, tout le monde doit changer de tactique. L’impact sur le gameplay est complètement dynamique.
Tomiiks.com : Ca, c’est vachement bien. Non, mais c’est une vraie évolution par ce que du coup, même en cours de partie, on est vraiment obligé de s’adapter à ce qui se passe.
Julien Wera : C’est le but et l’autre objectif étant que ça ne doit pas fournir la même expérience d’une partie sur l’autre sur une même map, sur un même mode de jeu pour qu’il y est un maximum de re-jouabilité.
Tomiiks.com : Question presque piège, on sait que Battlefield est un succès d’année en année, qu’il y a une grosse communauté, comment vous faites pour vous motiver, pour se remettre dans le bain et se dire il faut que j’aille encore plus loin malgré le succès du dernier épisode ? Je parle entre vous, comment faire vivre l’émulation au niveau du studio ?
Julien Wera : On n’est jamais satisfait. Au point que ce n’est pas nécessairement très sain pour le moral du studio mais on n’est jamais satisfait de ce qui sort. Il y a toujours des choses… alors c’est le principe du développement dans le jeu vidéo, il y a un moment où il faut sortir le jeu parce que sinon on resterait et on développerait pendant dix ans sans jamais sortir le jeu…
Tomiiks.com : Et pour certains jeux, c’est arrivé…
Julien Wera : Voilà [rires] Mais même ces jeux-là qui sont là pendant dix ans de développement, au bout d’un moment il faut qu’il sorte et à la sortie et là je sais que l’on sort le jeu dans 5/6 semaines et nos designers sont là » bon voilà ce qu’on va mettre, changer ou rajouter après le lancement sur ce jeu-là, voilà ce qui demande un an de dev’ donc on garde le concept sur les jeux suivants etc. On est jamais satisfait de ce qu’on a fait, on n’est satisfait du succès mais il y a toujours quelque chose à pousser, toujours une nouvelle expérience à faire, c’est toujours important de pousser plus. C’est dans la culture du studio de toujours aller plus loin. Et c’est génial en fait de travailler dans un studio comme ça où il y a une culture de toujours donner plus aux joueurs, d’écouter la communauté. Quelque part le lancement, c’est juste le début, ce n’est clairement pas la fin, on a tous les retours de la communauté, comment on améliore le jeu sur le long terme, quel nouveau contenu on peut apporter et comment on fait évoluer tout ça sur un prochain jeu.
Tomiiks.com : Personnellement, je ne suis pas un grand fan des jeux multi, mais je me focus souvent sur le solo parce qu’il y a une histoire qui est racontée… Du coup quelle est le rapport entre le solo et le multi, sa durée de vie ?
Julien Wera : On a donné très peu d’informations sur le solo jusqu’à maintenant. Ce que je peux dire sur le solo, c’est que je pense que le choix de la 1ere Guerre Mondiale nous donne un potentiel énorme de raconter des histoires vraiment intéressantes. Le solo sur Battlefield 1 suivra les histoires de plusieurs personnages qui sont à différents endroits du monde et à différents moments de la guerre.
« C’est dans la culture du studio de toujours aller plus loin. »
Tomiiks.com : Des personnages inventés ou historiques ?
Julien Wera : Alors, il y a des rencontres avec des personnages historiques mais on n’en incarnent pas. Cela donne plus de liberté. Ce sur quoi on s’intéresse, c’est vraiment avoir l’évolution de ces personnages. Comment est-ce que la guerre les change. Comment ils abandonnent leur vie civile, qu’est-cequ’ils deviennent au fil de la guerre et comment ils réagissent au monde qui change complètement autour d’eux au fil de la guerre. Je pense que, j’aime, je pense que ça devrait être bien et que ce sera bien reçu.
Tomiiks.com : Ce sera un peu larmoyant j’imagine?
Julien Wera : [rires] Il faut un certain équilibre sur comment ça marche.
Tomiiks.com : Du coup, par rapport à ton style de jeu dans Battlefield, est ce que tu as un type de véhicule préféré, est ce que tu es plutôt sniper ou éclaireur
Julien Wera : [Alors, moi, personnellement je suis incapable de sniper mais alors impossible pour moi. Sur BF4, j’ai beaucoup joué assaut. En fait, je joue les classes de support. Pour moi, Battlefield, c’est la raison pour laquelle je l’aime beaucoup, est un jeu qui permet de gagner sans pour autant être un très bon shooter parce qu’il y a la possibilité de soutenir son équipe. Il y a vraiment tout cet aspect teamplay qui fait que, sans nécessairement faire beaucoup de kill, je peux moi-même progresser et récupérer de l’XP, des points et être un élément crucial de la victoire de mon équipe. Sur Battlefield 1, je joue beaucoup médecin, j’aime leur fusil, la possibilité de soigner et de réanimer les compagnons. Même chose pour support, donner des munitions, etc. C’est vraiment mon type de jeu, de soutenir mon équipe sans nécessairement besoin de faire beaucoup de kill parce que c’est pas trop ça…
Tomiiks.com : Dernière question, qui n’a rien à voir avec Battlefield… En ce moment tu joues à quoi ?
Julien Wera : En dehors de la beta de Battlefield 1 ?
Tomiiks.com : En dehors de la beta de Battlefield 1
Julien Wera : En ce moment je jour à The Witcher 3. Mon temps de jeu est réduit donc j’alterne entre BF1 et TW3. Je trouve que ce sont des jeux qui n’ont rien à voir et du coup ça me permet de faire une bonne alternance entre les deux.
Tomiiks.com : Et bien merci beaucoup
Julien Wera : Avec plaisir